Tracklist
Grands Duos – M. Giuliani
Bien que son biographe Thomas Heck ait effectué un travail approfondi, quelques inconnues subsistent sur la vie de Mauro Giuliani. Né le 27 juillet 1781, on ignore le lieu de sa naissance, Barletti ou Bisceglia, deux villes de la province de Bari dans le sud de l’Italie. Le petit Mauro et son frère cadet Nicolas – futur maître de chapelle à Saint-Pétersbourg – sont envoyés par leur père à Bologne sept cents kilomètres plus au nord. Il étudie le contrepoint, le violon et le violoncelle mais, comme il l’écrit ensuite dans l’avant-propos de sa méthode pédagogique « Studio Per la Chitarra, Op.1 » parue en 1812 à Vienne chez Artaria : « l’ étude de la guitare a toujours été mon occupation favorite, dans laquelle j’aspirai de toutes mes forces à la perfection ».
À cette époque, l’Italie souffrait économiquement de l’invasion de Napoléon, et musicalement parlant il existait peu d’intérêt pour une musique autre que l’opéra. On constate un vrai exode vers les pays du Nord de guitaristes italiens, s’ils ont plus d’ambition que de fournir un raclement de fond de tiroir pour l’accompagnement des chanteurs. Arrivé à Vienne 1806, il impressionne immédiatement les publics les plus sophistiqués, côtoyant les personnalités en vue du moment et jouant le « Casanova » ; il a d’ailleurs une fille illégitime, Maria Wilmuth.
Des témoignages rapportent que « en moins de deux ans, Mauro Giuliani s’établit comme le maître indiscutable de la guitare » alors que la guitare peine encore à être acceptée comme instrument de concert. Ses compositions commencent à être publiées et son succès social se mesure à l’énoncé du nom des dédicataires de ses œuvres telles la Princesse Caroline de Kinsky ou la Comtesse Josephine Morzkowska en compagnie de musiciens comme Hummel, Moscheles et autres Beethoven – dont par ailleurs il jouera au violoncelle la première de sa Septième symphonie en 1813.
À Vienne, en 1814 Giuliani est nommé Virtuose Honoraire de la Chambre de l’Impératrice Marie- Louise, seconde épouse de Napoléon. Il incarne probablement un des premiers exemples du modèle musicien – agent- entrepreneur indépendant de spectacles, il commence à organiser les «Dukaten Concerte » – un ‘dukat’ étant le prix du ticket – aux jardins botaniques du fameux palais de Schönbrunn.
À la vue de son succès, jusqu’à aujourd’hui, nul n’a pu comprendre les raisons de sa débâcle financière. Mais, pourchassé par ses créanciers, il retourne au pays en passant par Trieste, Venise, Rome et puis Naples où il rencontre Rossini et Paganini. Pour la presse, ce dernier représente le miroir idéal de Giu- liani : ils sont tous les deux compositeurs-interprètes, indépendants, virtuoses reconnus et admirés par leurs pairs et influencés par l’œuvre de Rossini.
Il meurt en 1829, mais laisse une telle influence auprès des générations suivantes qu’un des premiers magazines de guitare publié à Londres, porte son nom – « The Giulianiad ». Son rôle dans l’histoire de la guitare ne peut être sous-
estimé ; quant à l’interprétation de sa musique, souvenons-nous ces mots d’un critique lors d’un concert : « Sa façon inimaginable de ‘vocaliser’ ses adagios et de jouer avec un caractère ardent, fervent, ne fuyant pas non plus l’aspect pathétique… »
Berten D’Hollander.